Prévision d’inflation : 3.9% pour 2023 et 2.5% pour 2024

Le recul graduel du taux d’inflation depuis octobre 2022 a été largement anticipé et résulte principalement des prix des produits pétroliers. L’inflation sous-jacente s’est en revanche montrée plus persistante que prévu, notamment à cause de la flambée des prix alimentaires. Le STATEC prévoit désormais 3.9% d’inflation en 2023, ce qui avancerait la prochaine tranche indiciaire à la fin du troisième trimestre 2023. Pour 2024 les prévisions d’inflation sont en revanche révisées vers le bas, en raison de la relative accalmie sur les marchés de l’énergie.

Après 6 mois de baisses consécutives, l’inflation annuelle demeure en avril 2023 proche de celle de mars (3.7% contre 3.6%). Cette apparente stabilité cache néanmoins des tendances opposées entre les prix pétroliers et de l’inflation sous-jacente. Depuis février, via des effets de base négatifs les produits pétroliers contribuent à faire baisser le taux d’inflation général. L’inflation sous-jacente, en revanche, garde un rythme soutenu et demeure au-dessus de 4.5%.  

Cette persistance, également observée à l’échelle de la zone euro, résulte de la répercussion retardée de l’envolée des prix de l’énergie ainsi que des matières premières agricoles et industrielles. Au Grand-Duché, cela affecte notamment les produits alimentaires, qui sont dans leur majorité importés. Depuis le début de l’année, les prix des produits alimentaires battent des records historiques avec des taux d’inflation supérieurs à 11%. En effet, les tensions sur les prix de l’alimentation se sont davantage intensifiées et généralisées: deux tiers des produits alimentaires montrent une inflation supérieure à 10% en avril 2023. L’alimentation a ainsi contribué à un tiers de l’inflation sous-jacente en avril (4.9%). 

Taux d’inflation annuel et contributions

Révisions à la hausse de l’inflation en zone euro…

Depuis les prévisions de février, l’évolution de la conjoncture économique a favorisé un ralentissement de l’inflation. En effet, les principales banques centrales ont poursuivi une politique de resserrement monétaire, les chaînes d’approvisionnement mondial continuent de se fluidifier et les tensions sur les marchés de l’énergie se détendent en Europe.

Les nouvelles prévisions émanant d’Oxford Economics révisent à la hausse les prix de l’alimentation ainsi que l’inflation sous-jacente en zone euro. Ces révisions sont contrebalancées par l’indice de prix des produits énergétiques qui est revu à la baisse. Ainsi, l’inflation en la zone euro serait de 5.2% en 2023 et 1.3 en 2024 (contre 5.0% et 1.2% précédemment). Le prix du Brent est revu à la hausse – à près de 87 USD/baril en 2023 (contre 85 précédemment). Cette hausse est néanmoins compensée par l’appréciation de l’euro vis-à-vis du dollar. Avec une valeur moyenne de 1.09, le cours de l’euro se trouve au-dessus de la parité en 2023 et 2024 (1.06 USD/EUR précédemment). La répercussion de l’envolée des prix des produits alimentaires et des services en zone euro sur les prix à la consommation au Grand-Duché devraient contrecarrer l’effet désinflationniste de l’appréciation de l’euro.

Les prix de l’énergie sont en baisse…

Les marchés de l’énergie se détendent en Europe après une année 2022 marquée par les risques de pénurie de gaz. Le Dutch TTF, qui fait référence, s’est échangé au prix moyen de 42 EUR/MWh en avril 2023 (contre 100 EUR/MWh en avril 2022). Une dynamique baissière est également observée sur les marchés à terme où les contrats pour des livraisons futures sont échangés. Les contrats annuels au cours du mois d’avril 2023 anticipaient ainsi un prix du gaz à 56 euros en moyenne pour 2024 (contre 67 euros en janvier 2023). Ces développements affectent directement le prix de l’électricité via le fonctionnement du marché européen de gros. En avril 2023, le prix moyen de l’électricité sur le marché allemand, avec lequel le réseau luxembourgeois est le mieux connecté, était de 100 EUR/MWh (contre 166 EUR/MWh en avril 2022).

A partir de l’évolution récente des prix sur les marchés de l’énergie et du mode d’approvisionnement des fournisseurs d’énergie au Luxembourg, le STATEC estime que les ménages pourraient bénéficier dès le début de l’année prochaine des tarifs de gaz inférieurs au prix maximal de 0.83 EUR/m3. Pour l’électricité, l’évolution récente a moins d’effet sur les tarifs de l’année prochaine au Luxembourg puisqu’une grande partie de l’électricité qui sera fournie en 2024 a déjà été achetée au cours de 2021 et 2022 au prix du marché qui prévalait à ce moment.

Cette détente des marchés de l’énergie est cependant fragile dans la mesure où elle résulte principalement d’une demande de gaz plus faible. Si le prochain hiver est moins clément et la consommation de gaz retrouve son niveau d’avant la guerre en Ukraine, un nouvel emballement des prix de l’énergie est possible. Par ailleurs, les anticipations de prix des marchés pourraient changer en cas d’aggravation des tensions géopolitiques.

Le STATEC anticipe l’inflation à 3.9% pour cette année (contre 3.4% dans la prévision de février dernier) et 2.5% pour 2024 (contre 2.8% lors de la mise à jour des prévisions à l’issue de l’accord Solidaritéitspak 3.0). La révision à la hausse pour 2023 découle de l’inflation sous-jacente qui est plus persistante qu’anticipé, tandis que l’inflation en 2024 est légèrement revue à la baisse reflétant la détente sur les marchés énergétiques. L’inflation sous-jacente serait de 4.6% en 2023 (contre 3.9% précédemment) et de 2.7% en 2024.

Cette prévision intègre l’impact modérateur des mesures décidées dans le cadre du Solidaritéitspak 3.0. En 2024, à législation constante, l’Etat prendrait en charge les frais d’utilisation de réseau pour le gaz et le tarif du gaz excédant 0.83 EUR/m3, le prix de l’électricité resterait constant et une remise de 15 centimes d’euro par litre serait accordée sur le prix du mazout de chauffage. Ces mesures devraient éviter le rebond de l’inflation que le STATEC avait auparavant anticipé (+4.8% en 2024 dans les prévisions de février). A partir de l’évolution récente des prix sur les marchés de l’énergie et du mode d’approvisionnement des fournisseurs d’énergie au Luxembourg, le STATEC estime qu’en l’absence de ces mesures, les prix du gaz de l’électricité connaîtraient des hausses respectives de 16% et 72% au 1er janvier 2024.  

Selon les prévisions d’inflation du scénario central, une tranche (après celles de février et avril) serait payée à la fin du 3e trimestre 2023 à laquelle s’ajouterait un nouveau paiement à la fin du 3e trimestre 2024.

Prévisions selon des hypothèses alternatives sur les prix de l'énergie  

Source : STATEC (prévisions du 03/05/2023)
* Le paiement d’une tranche indiciaire est prévu au mois d’avril 2023 conformément à la loi du 29 juin 2022.
** Ces prévisions intègrent une majoration de la taxe CO2 de 5 EUR / tCO2e en 2024.
*** Prix moyens TTC pour un client résidentiel au Luxembourg avec une consommation annuelle de 2 426 m3 de gaz et 4 191 kWh d’électricité. Ces prix sont calculés en supposant i) pour le gaz : prise en charge par l’Etat des tarifs d’utilisation du réseau et tarif maximal du gaz, 0.83 euros par m3.  ii) pour l’électricité : les prix resteraient constants en 2024 et ne seraient augmentés que de la TVA qui passerait de 7% à 8%.

Deux scénarios alternatifs selon l’évolution des prix énergétiques

Comme à l’accoutumé, deux scénarios de prix sont établis à partir des marchés futurs, reflétant les anticipations les plus optimistes ou pessimistes sur les prix de l’électricité et du gaz en 2024. S’y ajoutent des évolutions alternatives du prix du Brent en 2023 et 2024 établies à partir des déviations historiques.

Ainsi, deux scénarios sont considérés selon l’évolution des prix du gaz, de l’électricité et du baril de Brent (ce dernier se répercutant sur les prix du diesel, de l’essence et du mazout de chauffage). En tenant compte des mesures prévues dans le Solidaritéitspak 3.0, l’inflation est contenue dans le scénario haut. Le scénario haut suppose qu’en 2024, les prix du gaz et de l’électricité ne seraient augmentés que de 1% (suite à la hausse de TVA qui passerait de 7% à 8%), alors que le prix du Brent augmenterait de 21%. Le scénario bas anticipe une augmentation similaire du prix de l’électricité (+1%), mais des baisses des prix du gaz (-20%) et du Brent (-25%) en 2024.

Le scénario bas prévoit une indexation au 4e trimestre 2023 (après celles de février et avril), mais pas de nouvelle indexation en 2024. Le scénario haut anticipe une tranche indiciaire au 3e trimestre de 2023, suivie d’une indexation au 2e trimestre 2024.

D’autres incertitudes pouvant impacter les prévisions d’inflation ne sont pas prises en compte dans cette prévision.  

Du côté baissier, les effets de l’abandon de la stratégie zéro COVID en Chine, qui devraient détendre les chaînes d’approvisionnement et ralentir l’inflation (au moins à long-terme), ne sont pas explicitement quantifiés. Les scénarios alternatifs n’évaluent pas non plus l’impact d’un cours de l’euro vis-à-vis du dollar différent de celui du scénario central. Une plus forte appréciation de l’euro ralentirait davantage l’inflation sous-jacente via des prix importés moins élevés en Europe.

Du côté des risques haussiers, un désancrage éventuel des anticipations d’inflation mènerait les ménages et les entreprises à fonder leurs revendications de salaires et de prix sur l’inflation récente, ce qui aggraverait la persistance de l’inflation. S’y ajouteraient les effets indirects sur les prix à la consommation, notamment lorsque les prix de l’énergie flambent. Ces effets ne sont pas repris ici puisque tous les scénarios considèrent uniquement les impacts directs des prix énergétiques sur l’inflation. Or certaines entreprises peuvent être forcées d’arrêter leur activité en cas d’emballement des prix énergétiques provoquant des contraintes d’offre et exerçant une pression à la hausse sur les prix finaux. En outre, les tensions sur le marché du travail pourraient s’intensifier et augmenter les risques d’une boucle prix-salaire (effets de second tour).

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Cette publication a été réalisée par Gabriel Gomes et Tom Haas.
Le STATEC tient à remercier tous les collaborateurs qui ont contribué à la réalisation de cette parution.

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