La diversité linguistique
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En 10 ans, la diversité linguistique a explosé au Luxembourg avec une augmentation de 55% de « nouvelles langues »…
55 %Depuis le recensement de 2011, la population a augmenté de 25.7% passant de 512 353 à 643 941 habitants. Sur les 131 588 nouveaux venus très peu connaissent le luxembourgeois et leur profil linguistique est de plus en plus diversifié, ce qui modifie profondément la situation linguistique : tout comme la population du Grand-Duché son paysage linguistique devient plus diversifié.
Quelle est la langue la plus parlée ?
Avec une petite moitié des réponses, le luxembourgeois est de loin la première langue principale, le portugais vient en deuxième place devant le français, devançant de loin l’anglais et l’italien, suivi de l'allemand. Mais si le nombre des personnes indiquant le luxembourgeois comme langue principale augmente légèrement de 265 731 à 275 361, sa présence relative a nettement baissée, son pourcentage passant de 55.8% à 48.9%.
Les pourcentages du portugais et de l’italien ont aussi connu une légère baisse, tandis que la présence du français et de l’anglais comme langue principale a augmenté. Quant au nombre d’indications d’« autres langues », il a fortement augmenté passant de 40 042 à 60 582.
Graphique 1 : Population par langue principale en 2011 et en 2021
Les « petites langues »
52 « petites » communautés linguistiques avec un nombre de locuteurs supérieurs à 100 personnes ont été identifiées. Parmi les changements par rapport à 2011, on retiendra l’apparition de nouvelles langues, témoins des vagues de migration récentes : p.ex. l’arabe, le tigrigna apporté par les demandeurs d’asile venus de la Corne de l'Afrique, le pular, une variété du peul, parlée principalement en Guinée, Guinée-Bissau et au Mali.
Les langues slaves méridionales
Les langues slaves méridionales constituent un cas particulier. D’un côté elles sont linguistiquement très proches, d’un autre côté elles sont en train de développer leurs propres variétés pour marquer les différences politiques et identitaires entre les nouveaux États créés après l’effondrement de la République de Yougoslavie en 1992. Avec un total de 11 682 personnes, ces locuteurs constituent la septième communauté linguistique du Grand-Duché, devant la communauté hispanophone.
Langues du foyer / Langues de l'espace public
D’autres questions permettent d’appréhender l’utilisation des langues à la maison et dans l'espace public (école ou lieu de travail).
292 025 personnes indiquent qu’elles parlent le luxembourgeois, ce qui correspond à 61,2%. Le luxembourgeois se trouve donc en tête des langues parlées, suivi par le français, utilisé par plus de la moitié de la population et l’anglais utilisé par un quart. L'allemand est utilisé par 22.5% et le portugais par un cinquième des résidents.
Par rapport au recensement de 2011, l’utilisation du luxembourgeois diminue en nombre de locuteurs, passant de 323 500 à 292 000 et en pourcentage passant de 71% à 61%. Le recul de l’allemand en chiffre absolu (de 140 590 à 107 115) et en pourcentage (de 31% à 23%) est encore plus prononcé. Une augmentation relative beaucoup plus élevée est en revanche constatée pour les « autres langues » dont le nombre de locuteurs habituels augmente de 55% et pour l’anglais avec une augmentation de 27%.
Des langues parlées différemment selon le contexte
Le luxembourgeois est parlé par presque la moitié des personnes interrogées dans les deux contextes, mais pratiquement 4 personnes sur 10 ne parlent pas luxembourgeois, ni à la maison ni au travail.
Le français présente un profil différent : Un gros tiers le parle uniquement à l'école ou au travail, un petit tiers l’utilise dans les deux contextes, un autre petit tiers ne le parle dans aucun des contextes. L'utilisation exclusive à la maison est en revanche l'exception.
La situation est différente pour l'anglais : plus d’une personne sur quatre parle cette langue exclusivement au travail ou à l'école, 11% parlent l'anglais à la maison et au travail, et 2% exclusivement à la maison.
Graphique 2 : langues parlées selon le contexte maison / travail
Des pratiques spatialement diversifiées
La cartographie des langues utilisées sur la base de la commune donne une image spatiale caractéristique qui révèle une certaine territorialisation de la pratique des langues. Les cartes à gauche représentent la répartition spatiale des langues principales selon les communes de résidence et celles à droite les langues utilisées habituellement au travail selon la commune de travail.
- Le français
- Le luxembourgeois
- Le portugais
- L’anglais
- L’allemand
Le français a été cité comme langue principale par 14,9% des personnes interrogées, ce qui en fait la troisième langue la plus fréquemment citée. Pour les citations comme langue principale, on obtient une image spatiale relativement cohérente, selon laquelle le français se concentre dans les communes autour de la capitale ainsi qu'au sud et à la périphérie ouest, avec des pourcentages qui se situent entre 10% et 27%.
En revanche, la répartition spatiale pour le français au travail est très différente. En effet, les pourcentages par commune sont nettement plus élevés : ils ne vont jamais en dessous de 43% et montent jusqu'à 79%. Cela souligne le constat général selon lequel le français est la langue la plus importante sur le lieu de travail. Les valeurs les plus élevées se trouvent à Winseler (83%) et Leudelange (82%), mais pas, comme on pourrait s'y attendre, dans la capitale, dont la valeur de 67% indique un mélange plus important avec d'autres langues sur le lieu de travail.
Le luxembourgeois est indiqué comme langue principale par 49% de la population résidente totale, mais on constate ici de grandes différences régionales. La carte du luxembourgeois comme langue principale montre une faible présence (25 à 45%) du luxembourgeois dans une grande zone autour de la capitale ainsi que dans d'autres villes importantes (Pétange, Differdange, Esch, Remich, Echternach, Diekirch, Vianden, Wiltz), c’est-à-dire en grande partie des communes les plus peuplées. Sur tout le reste du territoire national, c'est-à-dire principalement dans les communes de taille moyenne et petite, le luxembourgeois est la langue principale la plus fréquente, avec des pourcentages allant de 56 à 85%.
En revanche, le luxembourgeois sur le lieu de travail présente une diffusion générale un peu plus forte, avec une diffusion la plus faible autour de la capitale (30 à 52%) et une diffusion plus élevée dans les autres régions (62% à 95%). Il n'est donc pas possible d'affirmer que le luxembourgeois ne joue pas ou peu de rôle sur le lieu de travail.
En tant que langue principale, le portugais se trouve surreprésenté dans deux régions, à savoir dans le Gutland nord-ouest autour de Larochette (41%) et dans la région de la Minette avec Differdange (36%), Pétange (30%) et Esch-sur-Alzette (30%). Comme on pouvait s'y attendre, le portugais est utilisé comme langue sur le lieu de travail dans une grande partie du pays, avec une concentration dans le nord-ouest du Gutland et dans la région de la Minette au sud-ouest. La faible présence dans la capitale est frappante (8%).
Avec un taux global de 3,6% pour la langue principale, l'anglais fait partie des acteurs secondaires dans l'ensemble du multilinguisme luxembourgeois. Comme le montre la carte de gauche, les lieux de résidence se concentrent dans la région de la capitale et ses communes périphériques. L'importance croissante de l'anglais dans le monde du travail contraste fortement avec cette situation.
Les lieux de travail où l'anglais est le plus utilisé (entre autres langues) se trouvent dans la capitale et sa périphérie avec Niederanven (63%), Sandweiler (59%) et la capitale (58%). Ceci est en corrélation avec la présence de grandes entreprises internationales dans cette région. Même si le français reste la langue centrale sur le lieu de travail sur l'ensemble du territoire, l'anglais s'est néanmoins imposé comme la deuxième langue la plus utilisée.
Avec une fréquence générale de 3% de la population résidente totale, l'allemand ne joue qu'un rôle secondaire au Luxembourg en tant que langue principale. Comme on pouvait s'y attendre, les lieux de résidence se concentrent à la périphérie et dans le centre de la capitale. L'allemand est un peu plus souvent utilisé sur le lieu de travail, principalement dans l'est du pays, la communication avec les frontaliers allemands et une clientèle d’outre-Moselle étant ici les principales raisons de son utilisation.
Les communes championnes de la diversité linguistique
Parmi les champions de la diversité linguistique se distinguent Strassen et Bertrange car trois à quatre langues « principales » sont présentes à des pourcentages élevés auxquelles s’ajoutent encore les « autres langues » à des pourcentages également élevés ! D’ailleurs, dans ces communes, la part du français et du luxembourgeois recule sensiblement au profit des « autres langues » par rapport au recensement de 2011.
A l'inverse, les petites communes de Wahl, Nommern et Useldange sont celles qui présentent la plus faible diversité linguistique. Le luxembourgeois y domine et toutes les autres langues n'apparaissent qu'avec des pourcentages très faibles.
Intégration linguistique
L’usage de la langue luxembourgeoise s’inscrit par nature dans le paysage démographique du Luxembourg. Ainsi, la pratique du Luxembourgeois comme langue principale déclarée passe de 55,8% en 2011 à 48.9% en 2021. C’est une érosion modérée que l’analyse par âge permet de mieux comprendre : si les seniors sont les premiers locuteurs du Luxembourgeois (chez les plus de 80 ans, l’usage à titre principal de la langue concerne 77,3 % en 2021), ce n’est pas le cas au sein de la population d’âge actif, dont la pratique est passée en dessous de la barre symbolique des 50% pour les classes d’âges situées de 30 à 59. Ce déclin s’explique par la forte croissance, en 10 ans, des populations étrangères.
Graphique 3 : pourcentage de Luxembourgophones chez les personnes nées à l’étranger selon la durée de séjour au Luxembourg
Le graphique ci-dessus est basé sur les immigrés qui ont indiqué leur année d’immigration (la hauteur des barres indique le nombre d’immigrés par année d’arrivée). Ce graphique montre d’une part que la pratique habituelle du luxembourgeois, tout comme sa revendication comme langue principale augmente avec la durée de séjour. Il montre d’autre part aussi que même après un long séjour on peut vivre au Luxembourg sans utiliser habituellement la langue luxembourgeoise… La question sur la langue principale posée n’admettant qu’une seule réponse, le fait de cocher la case « langue luxembourgeoise » constitue pour les immigrés, indépendamment des compétences et habitudes linguistiques réelles, un acte d’allégeance à « la nouvelle patrie ». La ligne rouge montre que la revendication du luxembourgeois comme langue principale augmente avec la durée du séjour. La ligne bleue représente l’utilisation habituelle du luxembourgeois et augmente évidemment beaucoup plus rapidement.
Mais comment cette baisse se dessine-t-elle selon l’arrière-plan migratoire des résidents ?
Pour les Luxembourgeois « natifs » (cf. graphique 3), la pratique de la langue est ultra-majoritaire et le demeure.
En revanche, pour les résidents étrangers, la pratique est minoritaire (4,9 %).
Enfin, pour la population des Luxembourgeois de première génération, celle des citoyens sans parents nés au pays, le taux de pratique du luxembourgeois comme langue principale n’est plus que de 45,5 % en 2021, contre 76,9 % dix ans plus tôt.
Graphique 4 : Pratique du luxembourgeois comme langue principale selon l'arrière-plan migratoire
Au global, la période 2011-2021 a vu se renforcer une forme de polarisation linguistique où la pratique de la langue à titre principal caractérise ultra-majoritairement les natifs et où sa non-pratique est le propre des populations étrangères. Entre ces deux populations, les « nouveaux Luxembourgeois » ont vu décliner leur pratique de la langue du pays.
D’une façon globale, ces résultats confirment que l’érosion de la pratique du Luxembourgeois comme langue principale est lente et peu uniforme sur l’ensemble de la population. Pour le groupe des « nouveaux Luxembourgeois », non-natifs, nés hors du pays, mais citoyens votants du Luxembourg, la langue principale n’est pas la langue du pays, laissant supposer une intégration et une participation plus difficiles à la démocratie. Cela confirme l’importance de considérer le caractère intrinsèquement multilingue du Luxembourg où aucune langue ne peut assumer une position de monopole linguistique.
En savoir plus sur la diversité linguistique au Grand-Duché
Suite des résultats
Dans les mois à venir, diverses publications destinées au grand public, mais aussi au public spécialiste des questions démographiques, seront réalisées. Parallèlement, des tableaux statistiques, portant sur les différents thèmes du recensement, seront publiés sur le Portail des statistiques.
Pourquoi le recensement
est-il important ?
Les résultats du recensement constituent une information essentielle pour la prise de décision en matière de politique publique.
Les données des recensements facilitent les prévisions des besoins en matière d’aménagement du territoire, d’écoles, de crèches, d’hôpitaux, de maisons de retraite et de soins, de logements, etc.
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