L’écart salarial à l’avantage des femmes, mais des disparités persistent

A l’occasion de la journée internationale des femmes, le STATEC publie les derniers chiffres de l’écart de rémunération entre hommes et femmes. Il en ressort qu’en 2022 l’écart s’établit à -0.7% (en faveur des femmes) si l’on considère le salaire horaire moyen, mais que l’écart penche encore en faveur des hommes sur les salaires annuels, étant donné qu’un faible pourcentage d’hommes gagne des salaires et bonus très élevés, et que les femmes travaillent davantage à temps partiel. [1]

Comme le STATEC l’a montré l’année dernière[2], l’indicateur européen de l’écart de rémunération entre hommes et femmes (connu sous le nom de Gender Pay Gap - GPG) a changé de signe au Luxembourg pour la première fois en 2021 pour atteindre -0.2%.

Rappelons que cet indicateur calculé par le STATEC sur base d’une méthodologie européenne commune établie par Eurostat représente l’écart entre le salaire horaire brut moyen des hommes et celui des femmes, exprimé en % de celui des hommes. Un chiffre positif indique dès lors que le salaire moyen des hommes dépasse celui des femmes, un chiffre négatif indique que le salaire moyen des femmes est supérieur à celui des hommes.[3]

Avec -0.7% en 2022, cet écart a continué de pencher davantage en faveur des femmes, contrairement à tous les autres pays de l’Union Européenne, où le salaire horaire moyen des hommes reste encore supérieur à celui des femmes.[4]

Ainsi, en moyenne européenne, le GPG se situe à 12.7%. Dans nos pays voisins, d’après les dernières estimations, il s’établit à 17.7% en Allemagne, 13.9% en France et 5.0% en Belgique.

Si cet indicateur européen montre clairement que des progrès importants ont été réalisés au Luxembourg pour atteindre l’égalité salariale entre les genres (il était encore de +10.7% en faveur des hommes en 2006 et de +1.4% en 2018), il cache néanmoins une réalité un peu plus complexe :

Quid des effets de la distribution ?

L’indicateur européen est calculé sur base du salaire moyen. Or le salaire moyen peut être fortement influencé par les salaires très élevés d’un très faible pourcentage de personnes, qui en l’occurrence sont plutôt des hommes. Il est donc important de jeter un coup d’œil sur la distribution des salaires.

Un moyen d’éviter l’effet de ces quelques « gros salaires », c’est de calculer le GPG sur le salaire médian (p50), c.-à-d. le niveau de salaire qui départage les salariés en deux groupes de même taille (50% des personnes gagnent moins que le salaire médian, 50% plus). Sur cette base, l’écart penche encore davantage en faveur des femmes (-11.3%)[5] (voir tableau 1 et graphique 1).

Par contre, l’écart est largement en faveur des hommes (+27%) sur le dernier percentile (p99), c. à d. le dernier pourcent des hommes respectivement des femmes qui gagnent les salaires les plus élevés (voir graphique 1).

L’analyse des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes ne doit pas cacher non plus le fait que les écarts sont très importants entre les personnes de même genre. Or, la part de personnes ayant des salaires horaires bruts faibles (<25 EUR) est plus importante parmi les hommes (55.4%) que parmi les femmes (48.7%), alors que la proportion de personnes à salaires moyens (25 à 50 EUR) et élevés (50 à 75 EUR) est plus grande chez les femmes (voir graphique 2)[6]. La situation s’inverse à nouveau pour les salaires très élevés (75 EUR ou plus), qui concernent 3.3% des hommes et 1.9% des femmes.

Quid des bonus de fin d’année ?

L’indicateur européen compare les salaires horaires moyens. En prenant comme base de calcul non pas le salaire horaire, mais le salaire annuel moyen d’un équivalent temps plein (ETP), y inclus les bonus de fin d’année, l’écart reste en faveur des hommes (+4.5%), étant donné que (un faible pourcentage de) ces derniers bénéficient de bonus plus importants que les femmes.

Néanmoins, hors ces bonus, on retrouve une quasi-égalité salariale également au niveau des salaires annuels ETP (GPG de 0.1%).

Comme ces salaires et bonus élevés n’influencent pas la médiane, on retrouve au niveau annuel un écart similaire (-11.9%) à celui observé pour le salaire horaire médian.

Quid des écarts hommes/femmes au niveau du temps de travail ?

Le salaire horaire et le salaire annuel ETP ne prennent pas en compte le fait que les femmes travaillent en moyenne moins d’heures que les hommes.

S’il y a quasi-égalité salariale en termes de salaire horaire et annuel ETP (hors bonus), il subsiste un écart d’environ 10% si on considère le salaire annuel moyen effectif (hors bonus).

Cet écart s’explique par le fait que les femmes travaillent en moyenne 10% de moins d’heures que les hommes. Ceci est surtout dû aux contrats à temps partiel qui concernent 36% des femmes, contre moins de 8% des hommes.

En guise de conclusion :

Si les indicateurs alternatifs présentés dans le tableau 1 ont un niveau différent de l’indicateur européen du GPG, force est de constater que non seulement l’indicateur européen, mais bien tous ces indicateurs, quel que soit l’approche utilisée (salaire moyen ou médian, horaire ou annuel, ETP ou non ETP), montrent une évolution dans le sens d’une diminution de l’écart existant en faveur des hommes, respectivement d’une augmentation de l’écart déjà atteint en faveur des femmes.

Tableau 1 : Salaire médian en faveur des femmes, bonus et temps de travail jouent en faveur des hommes

Salaires et écarts de salaires (GPG) - Principaux indicateurs

    2022 2018
    Hommes (EUR) Femmes (EUR) GPG (en %) GPG (en %)
Salaire horaire  moyen* 30.50 30.72 -0.7 1.4
  médian (p50) 23.01 25.60 -11.3 -7.4
Salaire annuel ETP moyen 75 847 72 470 4.5 7.1
  - dont hors bonus 63 179 63 089 0.1 2.7
  - dont bonus 12 668 9 380 26.0 29.4
  médian (p50) 53 955 60 401 -11.9 -10.7
Salaire annuel (effectif) moyen 73 154 62 975 13.9 17.1
  - dont hors bonus 60 886 54 644 10.3 13.2
  - dont bonus 12 267 8 331 32.1 36.5
  médian (p50) 52 646 51 990 1.2 3.3
    Hommes Femmes Ecart (en %) Ecart (en %)
Heures payées   168.6 150.2 10.9 13.1
  - dont hors hres sup 164.9 148.8 9.7 11.7
  - dont hres sup 3.7 1.4 63.5 76.9
Temps partiel (% des salariés) 7.8% 36.1% -28.4pp -29.7pp

Source : STATEC – Enquête sur la structure des salaires (ESS)
* Indicateur européen officiel du GPG

Graphique 1 : Grand écart sur le dernier percentile

Salaires horaires bruts (en EUR) et écarts (GPG, en %) aux différents percentiles de la distribution des salaires

Source : STATEC – Enquête sur la structure des salaires (ESS) 2022

Aide de lecture : le salaire horaire brut du pourcent des hommes ayant les salaires les plus élevés (p99) est supérieur à 112 EUR, alors que pour les femmes, ce montant est de 82 EUR, ce qui correspond à un écart de 27%.

Graphique 2 : Plus de la moitié des hommes gagne moins de 25 EUR bruts par heure

Distribution des hommes et des femmes (en %) en fonction de leur salaire horaire brut (en tranches de 25 EUR)

Source : STATEC – Enquête sur la structure des salaires (ESS) 2022

Aide de lecture : 55.4% des hommes ont un salaire horaire brut inférieur à 25 EUR, contre 48.7% des femmes ; 49.4% des femmes ont un salaire horaire brut entre 25 et 75 EUR, contre 41.3% des hommes.

Remarques méthodologiques :

Source : STATEC - Enquête sur la structure des salaires 2022 (et 2018)

Couverture : Total économie hors administration publique (NACE B à S hors O) ; entreprises de 10 salariés ou plus
Définitions :

  •  Salaire horaire brut = salaire mensuel / heures payées ; y compris heures supplémentaires et primes/suppléments réguliers du mois de référence
  •  Salaire annuel brut : comprend en outre tous les suppléments et bonus de fin d'année, 13e mois etc.

[1] Une analyse plus détaillée, notamment au niveau des différentes branches d’activités, sera présentée plus tard dans l’année lors de la publication par le STATEC des résultats de l’enquête sur la structure des salaires.
Les chiffres présentés dans la présente publication sont des estimations provisoires pouvant être révisées.

[2] STATNEWS n° 13 du 6/3/2023 : « Écart salarial entre hommes et femmes – Changement de paradigme ; L’écart salarial est désormais en faveur des femmes au Luxembourg »
https://statistiques.public.lu/dam-assets/actualite/2023/stn13-gpg/statnews-gpg-200223.pdf

[3] Rappelons aussi qu’il s’agit d’un indicateur non ajusté (en fonction des caractéristiques des hommes et des femmes) et qu’il ne permet pas de juger de l’existence ou non d’une discrimination salariale directe entre un homme et une femme occupant un poste identique. Il permet uniquement de dresser un portrait global du niveau des salaires des femmes et des hommes dans un pays.

[4] Voir les derniers chiffres disponibles sur le site d’Eurostat .

[5] Cet indicateur est d’ailleurs négatif depuis 2010 déjà.

[6] Conséquence entre autres du fait que la part de « cols blancs » est plus importante chez les femmes (85%) que chez les hommes (63%), que leur niveau d’éducation moyen est plus élevé et qu’elles travaillent davantage dans des branches plus rémunératrices.

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Cette publication a été réalisée par Paul Reiff.Le STATEC tient à remercier tous les collaborateurs qui ont contribué à la réalisation de cette parution.

 

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