Eco&Stat n°3-25 AnaCredit et le Tableau de bord de l’OCDE sur le financement des PME : l’expérience du Luxembourg

AnaCredit et le Tableau de bord de l’OCDE sur le financement des PME : l’expérience du Luxembourg

Résumé :

L’accès au financement est essentiel pour la création d’entreprises et la croissance des petites et moyennes entreprises (PME). C’est pourquoi le Tableau de bord annuel de l’OCDE sur le financement des PME et des entrepreneurs fournit des indicateurs clés pour surveiller l’accès des entreprises au financement et les conditions dans les pays participants. Au Luxembourg et dans la zone euro, ces indicateurs sont généralement calculés à partir des statistiques sur les taux d’intérêt (Interest Rate Statistics - IRS). Cependant, ces données sont principalement conçues pour éclairer la politique monétaire européenne, et non pour analyser l’accès des entreprises au financement.

Pour les objectifs du tableau de bord de l’OCDE, les données IRS présentent deux limitations majeures :

1) elles ne couvrent que les prêts octroyés par les établissements financiers situés dans le pays concerné ;

2) elles ne fournissent aucune information sur la taille des entreprises, de sorte que les PME sont identifiées en se basant uniquement sur le montant du prêt (inférieur à 1 million d’euros), et non sur les caractéristiques de l’entreprise emprunteuse.

Récemment, un nouvel ensemble de données complet, AnaCredit (Analytical Credit), est devenu disponible. AnaCredit est compilé par la Banque centrale européenne (BCE) avec l’aide des banques centrales nationales. Il s’agit d’une base de données au niveau micro couvrant la zone euro, fournissant des informations détaillées à la fois sur les prêteurs (ex. : lieu de résidence de l’établissement financier) et sur les emprunteurs (ex. : caractéristiques de l’entreprise emprunteuse, comme les bilans).

Cette étude, centrée sur le cas du Luxembourg, évalue l’opportunité d’utiliser les données d’AnaCredit pour calculer les principaux indicateurs du tableau de bord de l’OCDE. Elle présente les caractéristiques des deux sources de données et compare les chiffres agrégés relatifs aux nouveaux prêts aux PME, un indicateur clé du tableau de bord, sur la période 2021-2023, durant laquelle les données AnaCredit sont de haute qualité.

L’analyse met en lumière les principales différences entre les deux jeux de données. Les données IRS ne comprennent que les prêts émis par des établissements financiers basés au Luxembourg et identifient les PME selon la taille du prêt, une approximation couramment utilisée dans plusieurs pays du tableau de bord. En revanche, AnaCredit couvre tous les prêts émis par des prêteurs de la zone euro aux entreprises luxembourgeoises et identifie les PME selon leurs caractéristiques (nombre d’employés, chiffre d’affaires, bilan), conformément à la définition européenne. AnaCredit fournit également des informations sur une gamme plus large d’instruments financiers, incluant des prêts à taux fixes et à taux variables.

Les résultats empiriques indiquent que les tendances du financement des PME diffèrent sensiblement entre les deux sources. Selon AnaCredit, les nouveaux prêts aux PME au Luxembourg ont atteint environ 14 milliards d’euros en 2023, soit 30 % de l’ensemble des nouveaux prêts aux entreprises – un chiffre nettement supérieur aux 12 % rapportés par les données IRS. Pour la période observée (2021–2023), AnaCredit indique systématiquement une part plus élevée de nouveaux prêts que l’IRS. De plus, les taux d’intérêt payés par les PME, calculés avec AnaCredit, sont systématiquement plus élevés que ceux issus des donnés IRS.

L’étude montre les limites de l’utilisation des données IRS au Luxembourg. Les PME y jouent un rôle clé, représentant environ deux tiers de l’emploi total et de la valeur ajoutée dans le secteur non financier national. Le Luxembourg étant une petite économie ouverte, certaines hypothèses sous-jacentes aux données IRS peuvent être particulièrement problématiques pour mesurer correctement l’accès des PME au financement. Toutefois, cette analyse est pertinente pour tous les pays participant au tableau de bord de l’OCDE qui s’appuient sur les données IRS ou similaires. Ces pays pourraient envisager de privilégier ou de compléter leurs sources existantes par AnaCredit pour obtenir une image plus fidèle du financement des PME.

En résumé, AnaCredit apparaît comme une source très prometteuse pour le suivi du financement des PME au Luxembourg et en Europe. Malgré ses avantages, son adoption dans le cadre du tableau de bord pose certains défis. Remplacer les données IRS par AnaCredit entraînerait une rupture de série, compliquant les comparaisons avant et après 2021. Les pays européens utilisant AnaCredit pour le tableau de bord devraient harmoniser leurs méthodologies pour agréger les microdonnées afin de garantir des comparaisons pertinentes entre pays.