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Simulation de la transition énergétique de l’économie luxembourgeoise
Les données et les modèles de projection du STATEC permettent de simuler les grandes tendances économiques et démographiques et de quantifier les effets des mesures, passées et futures, en matière d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre. « L’Analyses » publiée aujourd’hui par le département Conjoncture, Modélisation et Prévisions du STATEC, compare l’impact des mesures envisagées dans le cadre de la mise à jour du Plan national Energie Climat (PNEC) sur la réduction des émissions de GES en vue d’atteindre les objectifs européens en 2030. Les trajectoires décrites prennent en compte l’efficacité énergétique, les technologies décarbonées et la montée des énergies renouvelables et évaluent leurs incidences macroéconomiques. La projection de long terme exhibe une trajectoire de décarbonation qui s’apparente à un scénario de « croissance verte » où les émissions directes[1] sont découplées de la croissance économique et démographique.
- Les gains d’efficacité énergétique et le déploiement massif de technologies décarbonées permettraient d’atteindre les objectifs globaux à l’horizon 2030, même si les objectifs ne sont pas atteints pour chaque secteur.
- Les progrès en matière d’efficience, principalement dus à l’électrification, engendreraient une stagnation de la consommation d’énergie, qui augmenterait sinon avec la croissance économique et démographique soutenue.
- L’abandon des énergies fossiles au bénéfice de technologies propres permettrait aussi de réduire les émissions. Le Luxembourg s’approcherait ainsi progressivement de la neutralité carbone à l’horizon 2050, sans que cette dernière ne soit pleinement atteinte dans les projections actuelles[2].
[1] Les accords internationaux et les objectifs climatiques des pays se basent sur la méthodologie de l’inventaire des gaz à effet de serre, soit la méthodologie des émissions directement émises sur le territoire, qui peuvent être mesurées précisément sur base des énergies fossiles importées ou produites. Il s’agit d’ailleurs aussi du champ d’application effectif de toute réglementation nationale. Les émissions indirectes couvrent en revanche les émissions indirectes liées à la consommation des résidents, soit aussi les émissions « importées », difficilement quantifiables en absence de connaissance des technologies précisément utilisées pour les produits consommés. Au niveau mondial les deux concepts devraient évidemment retrouver le même niveau total des émissions, mais notons que sur le passé le découplage des émissions indirectes a été plus limité que celui des émissions directes.
[2] Des potentiels lointains comme le déploiement de technologies de captage de CO2 ou encore des quantités élevées d’hydrogène vert n’ont pas été intégrés dans les projections du STATEC.
Note : Le scénario WEM (“With Existing Measures”) consiste en une projection tendancielle qui intègre les mesures adoptées jusqu’au 31 décembre 2021. Le scénario WAM (“With Additional Measures”) inclut en plus les mesures adoptées depuis 2022 ainsi que les mesures futures qui ont été annoncées dans le cadre de cette mise à jour du PNEC. Tandis que les objectifs climatiques pour 2030 ne considèrent pas les émissions du système d'échange de quotas d'émission (ETS) et du LULUCF (“Land use, land-use change, and forestry“, utilisation des terres, changement d'affectation des terres et foresterie en français), elles sont prises en considération dans l'objectif de neutralité climatique à l'horizon 2050.
Selon les secteurs, la vitesse et l’origine de la décarbonation différeraient fortement :
- Dans le secteur du transport, les facteur-clés à l’origine d’une baisse rapide des émissions sont les relèvements successifs de la taxe CO2, entraînant une baisse des ventes de carburants aux non-résidents, ainsi que l’électrification de la flotte de véhicules. Cette dernière serait accélérée par les incitations fiscales sur les voitures de fonction et définitivement acquise après l’interdiction de nouvelles voitures thermiques en 2035 au niveau européen.
- Pour le secteur des bâtiments, les principaux déterminants sont la mise en place des normes d’efficience énergétique pour les nouvelles constructions ainsi que le non-remplacement de chaudières fossiles arrivées en fin de vie. Les rénovations et les hausses de la taxe CO2 y contribueraient également, mais dans une bien moindre mesure.
- Dans l’industrie, le principal déterminant à long terme serait l’accès à l’hydrogène vert pour pouvoir décarboner les processus à hautes températures, nécessitant un raccordement à un réseau d’hydrogène transfrontalier, ainsi qu’une disponibilité suffisante d’hydrogène vert sur les marchés internationaux[1]. Dans la mesure du possible, les processus à basses températures seraient électrifiés.
[1] La production à échelle industrielle d’hydrogène vert requiert une abondance d’électricité renouvelable. La disponibilité d’hydrogène vert risque ainsi d’être limité dans les décennies à venir et son prix risque d’être très élevé par rapport au coût d’utilisation directe d’électricité.
La décarbonation de l’économie luxembourgeoise passera par des investissements supplémentaires conséquents, soit des dépenses en capital qui viendront remplacer les dépenses futures en énergies fossiles. Ces investissements constitueront des injections dans le circuit économique et pourraient ainsi stimuler quelque peu l’activité. En effet, la plupart des études internationales estiment que la transition aurait un impact économique positif sur le PIB, mais d’une ampleur limitée. En appliquant sur le Luxembourg les valeurs extrêmes d’une fourchette d’estimation issue d’une revue de la littérature à l’horizon 2050, on aboutirait à un différentiel de croissance annuelle compris entre -0.05% à +0.1%. Cette fourchette est probablement trop large, différents facteurs suggérant un impact encore plus limité de la transition énergétique sur l’activité au Luxembourg. L’impact macroéconomique potentiel paraît ainsi négligeable, surtout à l’horizon 2030. De plus, le découplage entre les émissions et l’activité économique ferait en sorte qu’une trajectoire légèrement différente du PIB ne remettrait pas en cause les objectifs climatiques nationaux. Par conséquent la même hypothèse de croissance économique a été retenue dans les scénarios à politique inchangée (WEM) et à politique changée (WAM).
Le chiffrage bottom-up des investissements et dépenses supplémentaires requis aboutirait à environ 8.4 milliards €2023 en cumul entre 2023 et 2030, soit 1.2% du PIB en moyenne par année. Ces investissements et autres dépenses seraient mobilisés aussi bien par des acteurs privés que publics. En plus des investissements publics, l’Etat soutiendrait financièrement les efforts des entreprises et des ménages. Au-delà des hausses de dépenses publiques, la baisse des ventes de carburants provoquerait une diminution des recettes de l’Etat. Le coût total pour les finances publiques augmenterait ainsi progressivement jusqu’à 1% du PIB en 2030. Les ménages bénéficieraient en revanche d’une baisse de leurs dépenses énergétiques. En effet, la baisse de la facture énergétique compenserait les investissements à supporter par les ménages. De plus, les ménages les plus défavorisés seraient, en moyenne, tenus indemnes de la taxe CO2 en raison du crédit d’impôt en la matière.
Au total, la hausse des investissements (privés et publics) et la baisse des dépenses énergétiques (montants qui pourront alors être réalloués pour la consommation) sont susceptibles d’avoir un impact positif limité sur l’activité. En fait, la transition énergétique, qui réduira drastiquement les émissions et s’accompagnera par des changements technologiques importants à plusieurs niveaux, n’aurait probablement qu’un impact négligeable sur l’activité d’un point de vue macroéconomique.
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Cette publication a été réalisée par le département Conjoncture, Modélisation et Prévisions sous la direction de Tom Haas.
Le STATEC tient à remercier tous les collaborateurs qui ont contribué à la réalisation de cette parution.
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