La qualité de la gouvernance accroît la confiance dans la politique et dans les institutions

Une vérification empirique du modèle conceptuel de l'OCDE

La majorité de la population mondiale a vécu en démocratie jusqu’aux années 2000, puis cette proportion a fortement diminué et ne concerne plus que 29% des personnes[1]. De plus, les opinions des citoyens de certains pays sont tellement polarisées que même des régimes démocratiques anciens risquent la paralysie. Le constat est inquiétant.

Si le débat et la controverse sont le propre des démocraties, la confiance dans les gouvernements nationaux a baissé notablement, elle tourne autour de 40% des citoyens selon les enquêtes de l’OCDE en 2021 et 2023.  Heureusement, au Luxembourg la confiance dans le gouvernement atteint 55% (2021 et 2023), nettement supérieure à celle de la moyenne de l’OCDE.

 A partir de quel niveau de défiance la situation devient-elle dangereuse ?

Les démocraties sont affaiblies de l’intérieur par des partis extrémistes et de l’extérieur par des autocraties qui mènent une guerre idéologique contre l’occident et ses valeurs humanistes. Quel sont les ressorts de la confiance ? Comment défendre la démocratie, comment fortifier la confiance dans les institutions ?

En économie et en sciences politiques prévaut le paradigme du choix rationnel : les électeurs évaluent les politiques menées par les gouvernants et leur accordent leur confiance en fonction des résultats obtenus ou des attentes à leur égard. Cette approche a été formalisée dans le cadre d’analyse de la confiance dans les institutions développées par l’OCDE (Brezzi et al. 2020). Les éléments constitutifs du modèle théorique sont : l’intégrité, la réactivité, la fiabilité, l'ouverture, l'équité et la satisfaction à l'égard des services publics. Ils sont mesurés empiriquement grâce à un questionnaire développé par l’OCDE et appliqué dans 18 pays en 2021.

Cette étude vérifie la pertinence du modèle conceptuel de la confiance qui a servi de guide à l'enquête de l'OCDE sur la confiance dans les institutions et la politique. L'analyse factorielle confirmatoire met en évidence trois dimensions validées empiriquement : la confiance dans la politique, la confiance dans les institutions et la qualité de la gouvernance. Notre modèle présente un degré élevé d'adéquation aux données entre tous les pays et au sein de chacun d'entre eux.

Ces trois dimensions, à savoir la confiance dans la politique, la confiance dans les institutions et la qualité de la gouvernance, permettent d'établir un classement des pays sur la base de leurs scores médians en matière de confiance et de qualité de la gouvernance. Nous constatons que le Danemark se classe systématiquement en tête, avec les scores moyens de confiance les plus élevés, tandis que la Colombie se classe en queue de peloton dans ces dimensions. Le Luxembourg fait un score très honorable. Bien que cette disparité laisse entrevoir une interaction complexe de facteurs historiques, culturels et socio-économiques, notre analyse se limite à des questions de mesure. Pour explorer les raisons pour lesquelles certains pays s'en sortent mieux que d'autres, il conviendrait d'utiliser une technique de régression à deux niveaux : individuel, d’une part, et macroéconomiques (performance économique, sociale, transparence) appréhendées au niveau de chaque pays, d’autre part.

Les scores de confiance, construits par le biais de l’analyse factorielle confirmatoire, sont utilisés comme variables endogènes dans une analyse de régression où l'une des principales variables explicatives est le score factoriel sur la qualité de la gouvernance. L’analyse montre que la gouvernance a un effet positif significatif sur la confiance dans la politique et les institutions, toutes choses égales par ailleurs. Ce résultat est important car il souligne l'effet positif de la dimension qualitative des services fournis par l’Etat et ses agences au grand public. La confiance dans les institutions et le gouvernement augmente avec l’intégrité, la fiabilité, la réactivité, l’équité et la satisfaction des services rendus à la population !

Nous examinons également l'effet des caractéristiques socio-économiques des personnes interrogées sur les deux facteurs de confiance (institutions et politique) et sur le facteur de qualité de la gouvernance. L’analyse montre que les femmes ont tendance à faire moins confiance aux institutions et à la politique, mais aussi les personnes gagnant moins ou rencontrant des difficultés financières. Les jeunes et les personnes entre 30 et 49 ans sont plus sceptiques. Dans tous les pays, les natifs ont moins confiance dans la politique de leur pays comparés aux étrangers. L’approche adoptée ici est générale puisqu’elle synthétise les différentes dimensions de la confiance et examine les déterminants dans une analyse multivariée. Les résultats rejoignent, grosso modo, les conclusions du rapport de l'OCDE (« Bâtir la confiance pour renforcer la démocratie », OCDE, 2022).

En outre, exploitant la nature continue des facteurs de confiance, nous utilisons une analyse de régression distributionnelle afin d'étudier la robustesse des coefficients relatifs aux caractéristiques socio-économiques. Nos résultats indiquent que l'influence du genre, du revenu et du statut social sur la confiance varient le long de la distribution de la confiance. Plus précisément, le genre (femme) et le revenu ont un effet négatif et significatif aux niveaux de confiance les plus bas, mais ils deviennent non significatifs et changent même de signe aux niveaux de confiance les plus élevés. Cela appelle une interprétation nuancée des déterminants socio-économiques à différents niveaux de confiance.

L'objectif principal de ce document est d'évaluer le modèle de mesure de la confiance et de la qualité de la gouvernance dans 18 pays membres de l’OCDE. L'étape suivante consistera à valider le modèle factoriel confirmatoire décrit dans cette étude en utilisant la nouvelle enquête de l'OCDE réalisée en 2023. Nous prendrons en compte, en plus, les caractéristiques économiques et sociales au niveau de chaque pays. Grâce aux nouvelles données nous pourrons poursuivre les études sur le rôle des statistiques officielles, grâce auxquelles les citoyens peuvent évaluer les politiques publiques (Allegrezza, Joxhe et Langer, 2023).

 

[1] https://www.statista.com/statistics/1379594/people-world-distribution-regime-type/

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Cette publication a été réalisée par Dr Serge Allegrezza, Wolfgang Langer, Majlinda Joxhe.

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