Inflation et pouvoir d’achat

L’inflation : c’est quoi ?

L’inflation est une hausse généralisée et durable des prix. Il en découle que la hausse du prix d’un seul ou de plusieurs produits (ou services) ne suffit pas pour pouvoir parler d’inflation. Il faut que la hausse des prix concerne une grande part (« généralisée ») des biens et services. Aussi faut-il que cette hausse des prix soit « durable ». Une hausse temporaire, p.ex. du prix de l’essence en périodes de vacances, ne permet pas de parler d’inflation. Il se peut aussi que certains prix augmentent, alors que d’autres diminuent (ou restent constants) ou que la hausse temporaire des prix de certains produits soit rapidement suivie par une baisse. Dans ces cas, on ne parle pas d’inflation.

Le contraire de l’inflation, c’est la déflation. Il s’agit d’une baisse généralisée et durable des prix. Le taux d’inflation est alors négatif. La déflation n’est pas à confondre avec la désinflation qui désigne une baisse du taux d’inflation : les prix augmentent toujours de façon généralisée et durable, mais moins fortement qu’avant.

Qu’en est-il de la force de l’inflation ?

Historiquement on parle d'inflation rampante pour des taux annuels d'inflation se situant entre 2 et 10%. Si ce taux dépasse les 10%, on caractérise l’inflation par galopante. L’économie se trouve en période d’hyperinflation, si le taux d’inflation mensuel (!) dépasse les 50%.

Remarquons encore qu’une certaine augmentation des prix est considérée comme normale, voire nécessaire, pour pouvoir parler d’une économie en « bonne santé ». C’est pourquoi la Banque Centrale Européenne vise un taux d’inflation annuel de 2% et combat toute inflation excessive et nuisible pour l’économie.

L'hyperinflation

Des augmentations mensuelles de prix supérieures à 50% entraînent une perte dramatique du pouvoir d’achat de la monnaie et donc des citoyens. La perte ultra-rapide de valeur de la monnaie pousse les gens à dépenser leur argent et à l’échanger contre des objets réels (nourriture, marchandises, immobilisations, …) dès que possible. Souvent, le retour du troc, donc l’échange de biens contre biens, en est une conséquence logique et parfois même, des objets précis prennent le rôle de monnaie.

L’hyperinflation la plus connue est probablement celle en Allemagne (en 1923) entre les deux guerres mondiales. En savoir plus

L’inflation : dans le temps et dans l’espace

L’inflation est un phénomène très variable qui trouve son origine principalement dans un déséquilibre entre l’offre et la demande (« loi de l’offre et de la demande ») des biens et services : une demande trop élevée par rapport à l’offre entraine une augmentation, voire une surenchère des prix.

  • L’inflation varie au cours des années (inflation dans le temps)

En analysant l'inflation au cours du temps:

- les années 2014 à 2016 et 2020 montrent des taux d’inflation nettement inférieurs au taux de 2% ciblé par la Banque Centrale Européenne, 

- les années 2017 à 2019 des taux d’inflation souhaitables 

- et puis une forte augmentation en 2021 et surtout en 2022 (inflation rampante) pour diminuer à nouveau en 2023 et 2024 (désinflation)

    Que s'est-il passé en 2021 et 2022?

En 2021, la réouverture après la pandémie (covid) avait permis aux consommateurs de dépenser davantage en utilisant une partie de l’argent épargné lors de la crise sanitaire. Cette demande excessive tombait sur une offre réduite vu que les chaînes d’approvisionnement n’étaient pas encore rétablies.

Début 2022, le déclenchement de la guerre sur le territoire de l'Ukraine et les sanctions économiques contre la Russie entraînaient une forte diminution des exportations ukrainiennes et russes, avec une baisse substantielle de l'offre de matières premières telles que le pétrole, le gaz, l'huile et le blé.

Principalement ces deux événements ont déclenché un sévère déséquilibre entre l’offre et la demande menant à une hausse généralisée et durable des prix : l’inflation.

  • L’inflation n’est pas la même dans tous les pays (inflation dans l’espace)

Même en ne considérant que les 27 pays de l’Union Européenne (UE) le taux d’inflation annuel en 2023 varie entre 0,4% au Danemark et 7,6% en Tchéquie. Ces valeurs extrêmes s’écartent largement des moyennes respectives pour les 27 pays de l’UE (3,4%) et les 20 pays de la “Zone euro” (2,9%). Vers les indicateurs

Au niveau mondial, des pays comme le Venezuela et le Zimbabwe souffraient en 2022 de taux d’inflation autour de 200%.

Conséquence de l’inflation pour les ménages : la perte de pouvoir d’achat

Supposons que Tom, un adolescent exécutant des petits travaux de jardinage pour ses parents, gagne 10€ de l' heure. Ces 10€ lui permettaient d’acheter 5 boules de glaces au prix unitaire de 2€. Suite à différentes augmentations de ses coûts de production (loyer, lait, salaires, électricité, …), le glacier se sent contraint d’augmenter son prix de vente par boule de glace à 2,50€. Triste et fâcheuse conséquence pour Tom : il ne pourra plus qu’acheter 4 boules de glace. Dès lors, le pouvoir d’achat d’une heure de travail fournie (le revenu de 10€) diminue. Ou encore : le salaire nominal (10€ l’heure) reste inchangé, par contre le salaire réel (pouvoir d’achat) diminue. En généralisant l’expérience de Tom au niveau d’une société, l’inflation (hausse généralisée et durable des prix) entraîne des pertes de pouvoir d’achat pour tous les ménages et affecte donc leur budget individuel. Vers une vidéo sur le pouvoir d'achat

Dès lors, le suivi de l’inflation et donc des conséquences sur les budgets des ménages est primordial pour une économie et l’Etat.

Au Luxembourg, c’est au STATEC qu’incombe la mission de calculer le niveau de l’inflation, donc de chiffrer en un pourcentage l’évolution du niveau général des prix et d’en publier mensuellement les résultats. Le STATEC définit un panier des biens et services consommés par un ménage représentatif de la population au Luxembourg (partie « Dépenses » du budget d’un ménage) et suit l’évolution de cet indice des prix à la consommation.

Le budget d’un ménage

Tous les ménages disposent mensuellement d’un certain montant d’argent (les revenus ou, au sens large, les recettes) pour couvrir toutes leurs dépenses et éventuellement « mettre de côté » (épargner) une certaine somme d’argent. Si au contraire, pour un ménage les dépenses dépassent les revenus (les recettes), il doit soit financer cet excès de dépenses en creusant dans ses épargnes antérieures (désépargne), soit s’endetter.

L’ensemble des recettes et dépenses forment pour les ménages, mais également pour des associations et l’Etat, leur budget. En gros, pour les ménages, on distingue :

  • Recettes: Revenu du travail (partie dominante pour la plupart des ménages), revenus de transferts sociaux (aides familiales, subventions de loyers, …), revenus financiers (intérêts sur un compte d’épargne, dividendes d’actions, …), revenus de locations (logements loués à des tiers), …
  • Dépenses: Dépenses fixes (encore appelées « dépenses contraintes », car récurrentes et incompressibles à court terme) : loyers (locataires), remboursement de prêts (propriétaires), assurances, … Dépenses variables : alimentation, loisirs, vacances, sorties, …

L'indice des prix à la consommation

Le principe de base est de suivre chaque mois l’évolution du prix du même produit ou service, dans le même point de vente, pour pouvoir calculer une évolution pertinente des prix. Le STATEC suit les prix de différentes marques, différentes sortes, différentes tailles et les prix dans différents magasins.

Les enquêteurs se déplacent physiquement dans + - 580 points de vente, ou les contactent par mail et téléphone, ou relèvent les prix sur les sites web. Ainsi, chaque mois environ 7700 prix de différents biens et services sont relevés. Depuis 2018, les « scanner data », donc des données de passage en caisse, ont été introduit dans la production régulière de l’indice des prix à la consommation. Il s’agit des fichiers électroniques transmis par plusieurs supermarchés directement au STATEC. Avec cette nouvelle source de données, environ 90.000 variétés supplémentaires entrent dans le calcul de l’IPC (pour l’année 2023). Le STATEC continue à exploiter cette source de données et à étendre sa couverture dans les années à venir.

Le STATEC produit deux indices différents: l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) et l'indice des prix à la consommation national (IPCN). 

 

Quel intérêt pour un ménage de suivre les communiqués mensuels du STATEC ?

En faisant le lien entre un budget d’un ménage spécifique (p.ex. la famille Muller de Luxembourg-ville) et les variations de prix constatées par le STATEC sur base du panier des biens et services consommés par un ménage représentatif de la population au Luxembourg on constate (dans le tableau ci-dessous) que les ménages sont, selon la structure de leur budget familial, plus ou moins concernées par les variations et/ou ont la possibilité d’adapter leur consommation afin d’échapper à une trop importante perte de pouvoir d’achat.

Considérant l’inflation moyenne (« indice général ») d’avril 2023 à avril 2024 de 2,40%, un ménage pourrait diminuer l'impact de l'inflation sur son budget familial et donc sur son pouvoir d'achat en limitant d’un côté ses sorties dans les « Hôtels, cafés, restaurants » et en achetant moins de « Boissons alcoolisées et tabac » tout en favorisant d'un autre côté des « Produits alimentaires et boissons non alcoolisées ».  Vers le communiqué de presse

Table 1 - Taux de variation en %

Source: STATEC 

L’indexation automatique (ou l’échelle mobile des salaires)

L’inflation entraîne une perte de pouvoir d’achat des citoyens, car la partie “Dépenses” de leur budget augmente. Afin de garder leur budget en équilibre, la partie “Recettes” (les salaires du travail pour la large majorité des ménages) devrait augmenter du même montant que les dépenses. Que faire? Négocier individuellement, chaque salarié avec son entreprise (ou les syndicats des salariés avec les représentants du patronat), une augmentation de salaire? Avec le risque de conflits sociaux et de grèves?

Au Luxembourg, l’Etat s’en charge d’une façon globale. Comme l’inflation concerne tous les ménages, l’Etat luxembourgeois décide et impose un réajustement de tous les salaires, traitements des fonctionnaires et pensions à l’inflation, moyennant l’échelle mobile des salaires.

L'échelle mobile des salaires est le mécanisme d’indexation automatique des salaires à l’inflation au Luxembourg. En langage luxembourgeois il y est souvent fait référence en utilisant l’expression « Den Index ». Le mécanisme est destiné à préserver le pouvoir d’achat des salariés. L’instrument fut introduit pour la première fois en 1921 pour les agents de chemins de fer et les fonctionnaires de l’Etat. Il fut généralisé en 1975 à l’ensemble de l’économie. De nos jours, en Europe, seuls le Luxembourg et la Belgique le pratique.

Comment est déclenché une nouvelle cote d‘application ?

Les ménages voient régulièrement le pouvoir d’achat de leur salaire ajusté à l’augmentation du coût de la vie ce qui leur permet de garder leur niveau de vie automatiquement, c’est-à-dire sans devoir négocier une augmentation de salaire auprès de leur patron.

Les syndicats des salariés défendent résolument les intérêts des salariés et donc l’index.

L’augmentation des salaires en fonction des coûts de la vie (échelle mobile des salaires) constitue cependant pour les entreprises un coût supplémentaire. Combinée avec l’augmentation d’autres coûts de production (matières premières, loyers, …), les entreprises nationales risquent de voir diminuer leur compétitivité par rapport aux entreprises de pays étrangers sans indexation automatique des salaires et/ou leurs bénéfices si elles estiment ne pas pouvoir répercuter les coûts supplémentaires sur les leurs prix de vente (par peur de perdre des clients).

Pour cette raison, les représentants des entreprises ne sont pas favorables à une adaptation trop fréquente de l'index. 

Finalement, c’est à l’Etat de « médier » entre les parties. Dans le contexte des crises récentes, les indexations avaient été reportées partiellement par l’Etat afin d’éviter aux entreprises une explosion de leurs coûts de production et un risque accru de faillites.

Désireux de garantir un niveau de vie agréable et fiable aux citoyens, l’Etat luxembourgeois continue à miser sur le système de l’indexation automatique des salaires, malgré les doléances des entreprises, notamment avec l’argument d’assurer à ces dernières une « paix sociale », c’est-à-dire sans grèves et manifestations coûteuses (entraînant des interruptions de production).

Cependant la diminution de la compétitivité des entreprises nationales évoquée ci-dessus risquerait d’augmenter les importations (de produits et services étrangers plus compétitifs) et de diminuer les exportations (les produits nationaux trop chers pour les consommateurs étrangers). Dès lors, la production nationale diminuerait avec comme conséquences des pertes d’impôts pour l’Etat et une augmentation du chômage.

Pourquoi est-ce qu’il y a tellement de tranches indiciaires depuis fin 2021 ?

Fin 2021 et début 2022, la zone euro et le Luxembourg ont fait face à une accélération rapide de l’inflation, donc d’une hausse des prix, et plus particulièrement des prix des produits pétroliers. En avril 2022, les prix des produits pétroliers sont de 60% supérieurs à leur niveau d'avril 2021. Pour le gaz de ville et le gaz naturel, la hausse s'élève même à 85%. Pour le gaz de ville et gaz naturel, cette hausse représente même 84%.

Cette évolution des prix des produits pétroliers a aussi une influence sur le taux d’inflation annuel, qui a atteint 7.4% en juin 2022, le taux le plus élevé depuis mai 1984.

La hausse des prix pétroliers entraîne l’augmentation des prix de divers autres produits, et pousse ainsi l'indice des prix à la hausse. Depuis fin 2022, les prix des produits pétroliers sont sur une tendance baissière (-17.4% en mai 2023 par rapport à mai 2022), par contre les prix de l’alimentation sont en nette remontée (+13.3% en mars 2023 en variation annuelle). Cette hausse générale des prix entraîne le déclenchement de plusieurs tranches indiciaires.

L'inflation sous-jacente

Régulièrement, des variations de prix temporaires ou conjoncturelles de certains produits, surtout énergétiques et alimentaires, masquent la véritable tendance de l'évolution des prix. L’inflation sous-jacente remédie à ce problème en excluant certains produits aux prix très volatils, permettant ainsi de dégager une image plus claire du mouvement de fond des prix et adapter la politique économique en conséquence.

Au Luxembourg, le STATEC calcule l’inflation sous-jacente comme une sous-série de l'indice général (IPCN) et exclut notamment les prix pétroliers et d'autres prix qui se forment sur les marchés internationaux.

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